Beau l’air de rien

Baudelaire est ainsi lui-même une sorte de figure symbolique de cet art, l’art de faire du Beau avec du rien, du Beau avec de l’air, du Beau l’air de rien, l’art de la poésie, car son œuvre et sa vie (reflet de son engagement dans son œuvre), sa posture consciente — et donc réfléchie, agréée par lui — d’artiste de la bohème, témoignent de la misère et la splendeur* que connaît tout créateur, artiste ou artisan, splendeur et misère qui sont d’ailleurs les deux pôles de la création entre lesquels son travail oscille balance toujours, est contenu, c’est l’échelle de mesure sur laquelle il fait monter graduellement son sentiment à l’un pour descendre à l’autre, comme le fait Gérard de Nerval sur la lyre d’Orphée, « modulant tour à tour les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée » (El Desdichado), et inversement, et à l’infini ; bref, c’est l’entrelacs de sentiments qu’il noue de complexité et qu’on appelle « tresse » sur la chevelure de la Muse, symbole de vénération et de beauté pure pour le poète. Continuer à lire …