Beau l’air de rien

Baudelaire est ainsi lui-même une sorte de figure symbolique de cet art, l’art de faire du Beau avec du rien, du Beau avec de l’air, du Beau l’air de rien, l’art de la poésie, car son œuvre et sa vie (reflet de son engagement dans son œuvre), sa posture consciente — et donc réfléchie, agréée par lui — d’artiste de la bohème, témoignent de la misère et la splendeur* que connaît tout créateur, artiste ou artisan, splendeur et misère qui sont d’ailleurs les deux pôles de la création entre lesquels son travail oscille balance toujours, est contenu, c’est l’échelle de mesure sur laquelle il fait monter graduellement son sentiment à l’un pour descendre à l’autre, comme le fait Gérard de Nerval sur la lyre d’Orphée, « modulant tour à tour les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée » (El Desdichado), et inversement, et à l’infini ; bref, c’est l’entrelacs de sentiments qu’il noue de complexité et qu’on appelle « tresse » sur la chevelure de la Muse, symbole de vénération et de beauté pure pour le poète. Continuer à lire …

London & Kerouac : jack à deux têtes d’une entreprise littéraire philosophique et spirituelle

Il y avait une connexion entre toutes choses, de l’étoile la plus lointaine dans les espaces infinis aux myriades d’atomes contenus dans le grain de sable sous son pied. Ce nouveau concept était un émerveillement pour Martin, qui passait désormais son temps à rechercher les passerelles reliant les objets visibles et les objets invisibles, même les plus incongrus, et se torturait l’esprit jusqu’à ce qu’il leur eût trouvé des affinités. […] Il unifiait ainsi l’univers et le contemplait, tantôt en bloc, tantôt en vrac, en se promenant dans ses allées, ses détours et ses jungles, non comme un voyageur sans but terrifié par l’épaisseur du mystère, mais comme un cartographe désireux de se familiariser avec tout ce qu’il y a à connaître. Et plus il en savait, plus il admirait le monde, la vie en général, la sienne en particulier. Continuer à lire …

« Je crois qu’on devrait aller vivre au fond de la mer avec ses mots ». Chronique d’un suicide annoncé dans le Sussex.

Contemplons dans le mot suicide lui-même la logique qui prend fuite, le bouchon d’eau dans les tympans, le sas étanche de la trompe d’eustache envahi par la lame de fond, la raison qui divague, le moyeu cérébral noyé dans les abysses de la conscience, le visage soudainement baigné de larmes, Continuer à lire …

À l’inventeur du selfie, Chris Alex « Supertramp » Mc Candless

Sous ses airs de gamin et sa chair de mortel, il était fait de cet alliage un peu extraterrestre qui caractérise le surhomme, il couvait cette force spirituelle qui distingue le self-made man du golden boy. On a pris l’habitude, je crois, de symboliser sous le terme « ange » cette réalité Continuer à lire …

Épicène, épicentre et androgyne : percée dans l’œil du cyclone œdipien.

Année après année, l’encadrement médiatique qui accompagne la parution du nouveau millésime de l’écrivaine la plus prolifique de notre époque dans la collection « Amélie Nothomb » chez Albin Michel, ainsi que l’engouement renouvelé du public, contribuent à faire de cet événement le rendez-vous incontournable de la rentrée littéraire et perpétuent une Continuer à lire …

Vertige et virtuosité. Mélancolie et mélodie. L’oreille absolue chez l’écrivain Pascal Quignard.

On sait que s’il existe en théorie des passerelles entre les arts, que ce soit par le biais de la métaphore, du discours théorique ou même de la pratique, celles-ci sont rendues tout au plus virtuelles dès que l’on examine l’œuvre et la personnalité des spécialistes qui ont excellé dans Continuer à lire …

THOMAS, ou l’esprit de résistance historique

Il est aisé pour l’esprit moderne confortablement installé dans son temps de rejeter à distance toute certitude concernant la réalité des époques qui ont précédé la sienne ; il lui suffit d’attraper la télécommande et de zapper sur un documentaire montrant des images d’archives en noir et blanc ou de prendre Continuer à lire …

Sur les chemins noirs, Sylvain Tesson

Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Il était écrit que le retour au bercail de l’Enfant terrible du récit d’aventure français, Sylvain Tesson, ne pourrait pas être une banale promenade de santé, ou une cure de jouvence, ni même exactement un retour aux sources. Quelles sources ? Il Continuer à lire …

Délivrez-vous : Ecoutez nos défaites, Laurent Gaudé (Ed. Actes Sud)

Avez-vous déjà perçu le son de cloche que fait le mot « résurrection » quand il rime avec « réminiscence » et « rémission » ? On se surprend à tressauter dans ce livre au coup de tocsin qui appelle le rassemblement intérieur, le ralliement des forces en cette terre Continuer à lire …